Neige

Là, derrière la vitre, de gros flocons de neige tombent, virevoltants, cotonneux. Sur le côté, le petit chalet se couvre d’un épais manteau blanc et poudreux. Au premier plan, le grand sapin reste stoïquement droit sous son lourd fardeau. Ceux du fond semblent noyés sous la masse qui s’accumule, lentement mais sûrement.

De l’autre côté de la vitre, allongée sur un lit défait, la jeune femme sourit, les jambes battant le rythme d’une chanson muette. Elle observe, du mieux qu’elle peut, les flocons qui tombent puis qui se fondent en un océan laiteux. Ce paysage épuré l’amuse, elle scrute les mille détails qui disparaissent sous la couche blanche. À travers l’écran translucide des milliers de boules légères, tout s’uniformise, irrésistiblement.

Vaillant, le grand sapin reste droit, ses hautes branches complètement ensevelies, ployant sous la masse compacte de la neige qui tombe toujours et encore. Le petit chemin sinueux qui monte vers le chalet devient presque invisible. Au fond, les autres sapins deviennent des masses floues et informes. Toute la richesse colorée de ce petit tableau de carte postale disparaît inéluctablement sous un ton blême homogène.

Ses yeux sombres sont grand écarquillés à scruter cette transformation. Elle tend le cou pour mieux contempler les mille modifications du paysage montagneux. Il fait si chaud dans cette chambre aux murs lambrissés aux lourdes poutres rustiques. Une odeur de bois baigne la pièce, à peine entrecoupée des senteurs de lavande qui émane des draps frais. Vautrée dans le lit, elle regarde, alanguie, récupérant des folies qu’elle vient de faire de son corps nu et en sueur. Elle se repose à observer les flocons qui tombent, elle se relaxe à admirer la pureté de la neige, elle qui vient d’être souillée par des mains avides, un sexe vorace et de longues traces de sperme qui émaillent ses cuisses replètes et les draps froissés.

Tombe la neige… Elle ne se souvient plus des paroles, mais la petite musique de cette chanson trotte dans son esprit puis une autre la remplace, plus connue. Son corps se délasse, son esprit revient à la réalité, loin du tourbillon passionnel qu’elle vient de vivre, de cet abandon lâche au désir d’un homme. L’aime-t-il ? Elle ne le sait pas. La désire-t-il ? Ca, elle en est sûre ! C’est toujours ça de pris, songe-t-elle.

— Ma cabane au Canada… est enfouie au fond des bois…

La porte s’entrouvre, elle ne remarque rien, elle regarde cette neige tomber. Un homme nu se tient dans l’embrasure, il sourit au spectacle qu’elle donne, de son dos confortable, de ses cheveux défaits, de son cul magnifique qu’il adore et de ses jambes qui battent le tempo de la chanson qu’elle fredonne.

— Enfouie au fond des bois, on y voit…

Enfoui, il l’était, il y a peu ! Vautré sur elle, sur son ventre rond, son nez dans ses seins, sa bouche vorace qui mordillait tout ce qui lui passait à portée de lèvres et de dents. Fiché en elle, rivé dans sa grotte intime dans laquelle il avait pu expulser un océan de lui-même, se vider, se désemplir de son trop-plein, revenir à des temps primitifs, sauvages.

La voir ainsi, lui tournant le dos, offerte, innocente, les fesses zébrées de son sperme, chantonnant sans prendre garde à lui, avive son désir et son sexe redevient dur comme fer, prêt à resservir en elle. Il n’aurait jamais cru qu’elle puisse ainsi lui faire un tel effet.
Ils se connaissent depuis le début de la semaine. Ils ont, chacun de leur côté, loué un petit studio pour les vacances dans la même agence de la même ville où ils habitent, tous deux, sans s’être jamais rencontrés alors qu’ils habitent à moins d’un kilomètre l’un de l’autre. Ici, ils sont sur le même palier et plus d’une fois, ils se sont croisés. Il avait bien remarqué sa présence, il s’en était étonné d’ailleurs, son idéal féminin est plus svelte, scandinave et elle est très ronde, méditerranéenne.

— Des écureuils…

Tandis qu’elle chante, elle se souvient de la rencontre avec son amant du jour. Ecureuil, oui, tout roux. Quand il s’est mis nu, elle avait été surprise par le bosquet de feu qui encadrait son sexe érigé. Ça lui avait fait tout drôle. Elle s’était dit : pourquoi pas ?

Pourquoi pas, oui, pourquoi pas cette fille ? Pour essayer, comme ça, pour voir… Alors il avait décidé de la draguer, subtilement, lentement, pas en « rentre-dedans ». Quelque part, ça l’amusait, une sorte de jeu, de pari avec lui-même. Il n’y croyait pas. Il s’était dit qu’il allait se faire jeter en moins de cinq minutes. Quatre jours se sont écoulés à présent, il a conservé sa ligne de conduite : pas de « rentre-dedans ». Il reste surpris par sa future conquête, par son sens de l’humour distancié, par cette rêverie infinie qu’il lit dans ses grands yeux couleur nuit. Lors de leurs sorties ensemble, il avait aussi été étonné par son immense vivacité, par son énergie sans fin, par sa façon de croquer la vie sans rien en attendre de particulier.

Non, décidément, elle n’est pas une longiligne scandinave aux cheveux de blé, aux yeux clairs comme le ciel. Non, elle n’est pas une aristocrate lointaine et inaccessible. Il l’avait découverte, il a apprécié, il adore, beaucoup.

Beaucoup trop, peut-être…

La neige continue à tomber, elle regarde, son menton sur ses mains. S’attache-t-elle ? Est-ce que c’est réciproque ? Le chalet sombre sous la couche épaisse. Seul, le sapin garde sa forme générale mais plus pour très longtemps. Toutes les différences s’évanouissent, une sorte de néant blanc prend place. Est-ce ainsi la mort ?

Soudain, un corps plein de vie se vautre sur son cul rebondi, elle sent surtout une tige dure qui la désire, posée sur le creux de ses fesses, une barre solide et ferme qui veut à nouveau explorer ses paysages enfouis. Une bouche chaude se pose sur son cou, le couvrant de petits baisers furtifs. Des doigts avides cherchent à lui emprisonner un sein en se glissant par-dessous, sur les draps froissés. Déjà, elle sent le désir impérieux de son amant irradier sur son corps. Elle essaye de rester concentrée, s’absorbant au spectacle de la neige qui tombe mais elle ne peut éviter de laisser quelques soupirs d’aise sortir de ses lèvres.

— Tu fais quoi, là, exactement ? lui demande-t-il, amusé.
— Je regarde tomber la neige !
— Ah bon ?
— Oui, ça me détend… poursuit-elle, évasive.
— Ce n’est pas mon cas ! Je suis tendu à mort !
— Ca, j’ai cru remarquer !

Ses baisers affamés dans le cou s’accentuent, il la couvre de son corps chaud et vigoureux tandis qu’une barre d’acier s’insinue entre ses fesses. Son sein est emprisonné par des doigts rapaces, sa pointe rosée, pincée délicatement mais fermement. Elle tente de garder son calme, de ne pas se laisser distraire mais elle résiste mal à cet assaut. Elle s’en étonne : d’habitude, ses amants lui font moins d’effet. Elle a souvent l’impression de n’être, pour eux, qu’un préservatif géant ; elle a, fugacement, ressenti cette impression, tout à l’heure, tandis qu’il était parti dans la salle de bain. Fugacement, pas incontestablement. Mais, à présent, elle se dit qu’elle vaut peut-être un peu plus pour son rouquin.

Avant de se laisser aller, elle lui dit :

— Laisse-moi finir de voir tomber la neige !

Il s’interrompt momentanément, surpris, suspendu.

— Comment ça ? Je ne comprends pas bien…
— J’aime voir la neige tomber, elle est si pure.
— Oui, oui, oui… Que dois-je comprendre ? Que ce que nous faisons ne l’est pas ?
— Euh… ce n’est pas ce que… bafouille-t-elle.
— Taratata ! N’essaye pas de te rattraper ! Je vais te prouver, sur-le-champ, que mes intentions sont pures !
— Pures ? Tu parles !
— Si, si : pures, pé-u-èr-eu, avec un s au bout !
— Cause toujours, c’est ton machin tout rouge et pointu, que tu as au bout !

Délibérément, il se vautre prestement sur elle :

— Purement lascives et sexuelles !
— Je me disais bien ! rétorque-t-elle, un zeste acide.
— Mais ensuite, je te promets que tu verras la neige tomber autant de fois que tu veux !
— Promis ?
— Promis !

Alors, preste, il l’embrasse comme un fou dans le cou, son désir augmente dangereusement, il croît vertigineusement, son corps s’agite de mille spasmes. Il sent qu’il perd les pédales, que son instinct reprend le dessus, à vive allure. Mais contrairement à avant, ça ne le dérange pas de redevenir primitif. Non, pas du tout. Avant, il en aurait eu honte, plus maintenant, ça lui semble si… naturel, c’est ça, naturel.

De son côté, elle n’est pas en reste : elle caresse ses cuisses, son cul ferme, en tâte les courbes dures, le creux des reins qui propulsera, comme tout à l’heure, son pieu en elle, au plus lointain. Elle tourne la tête, ses lèvres cognent son nez qu’elles embrassent. Alors leurs bouches se joignent dans un baiser vorace.
Des mains avides agrippent ses seins lourds et aplatis sur le lit défait. Leurs pointes pincées réagissent au quart de tour. Des doigts exigeants marquent la chair tendre et blanche, ils palpent fiévreusement les masses douces, ces fruits mûrs qu’il veut posséder.

Des petites mains agiles s’affairent sur son cul nu, il aime se sentir désiré. Des doigts vifs descendent à présent sur ses cuisses. Il en soupire intérieurement d’aise, sa langue se fait plus vorace dans la bouche de son amante.
Pris de fureur possessive, il capture en tenaille les pointes dures des seins volumineux, ses doigts imprègnent la chair qui déborde voluptueusement. Il martyrise les tétons captifs, tournant les petites tours rosées entre ses doigts faméliques. Il la veut, il la désire, il l’aura, encore et encore, à nouveau et toujours. Tout est si simple !

Sa tige dure glisse le long du sillon fessier, il a hâte d’aller s’engouffrer dans cette fente humide et chaude. Elle a compris la manœuvre et elle écarte les fesses pour lui faciliter l’accès, un gland ardent frôle son anus, elle se plaît à penser qu’il entre par là… Peut-être une fraction d’hésitation, il reste à l’orée puis il descend plus bas, s’insinuant aux bords des lèvres intimes et charnues. Bestialement, elle veut qu’il plonge en elle, qu’il la remplisse à ras bord, encore et encore, qu’elle le sente en elle, fort, puissant, brûlant. Elle s’écarte de sa bouche vorace :

— Oui… viens ! se surprend-elle à lui dire.
— Pas de problème… tu en veux ? Tu l’auras, et plutôt deux fois qu’une !
— Que deux fois seulement ?
— Gourmande, va !

Et il plonge en elle, un soupir de soulagement et d’aise échappe de ses lèvres rosées, un rugissement de plaisir l’accompagne. Déchaîné, il entre et sort de son vagin humide, elle presse ses mains sur son petit cul ferme pour mieux profiter de ses coups de reins qui plongent en elle. Leurs bouches se rejoignent à nouveau en un baiser dévorant, leurs langues s’emmêlent. Férocement, primitivement, leurs corps s’accordent, son pieu pilonne sa fente en fusion, leurs sueurs se mélangent, leurs saveurs aussi. Des doigts crochus enserrent ses masses volumineuses et fragiles de ses seins, ils pincent fiévreusement leurs pointes érigées et pointues, les distendant sous la traction brutale.
Des griffes s’enfoncent sur des fesses légèrement velues, les coups de reins s’accentuent, pilonnent, martèlent son entrée dégoulinante. Elle accompagne furieusement ses moindres mouvements ; non, il n’a jamais encore vécu ce moment de folie, cet égarement à vouloir posséder ainsi, primitivement, sans retenue, dans un si parfait accord.
Leurs esprits se vident, disparaissent, ailleurs, loin, très loin. Une onde de chaleur commune se propage en eux, une crispation ultime, une explosion finale.

Dans un ultime sursaut, il éclate en elle, jaillissant sans fin, s’écoulant en longues saccades chaudes et poisseuses. Il pousse divers cris rauques, serrant dans un étau broyeur les seins de son amante, expulsant tout ce qu’il a en lui, se désintégrant dans cette femme si charnelle.

Cette femme qu’il possède à fond et dont il jouit si fort, égoïstement.

Frémissante, elle plonge sa main sous son ventre, à la recherche de son bosquet empoissé. Ses doigts cueillent le sperme chaud qui s’écoule déjà sur les draps, comme si son antre en était trop plein, puis elle se masturbe fébrilement.

Il est toujours sur elle, à se vider en elle, hagard, parcouru de spasmes.

A peine a-t-elle effleuré son clitoris en fusion, deux ou trois fois, qu’elle décolle à son tour en mille petits cris étouffés, les doigts poisseux enfouis dans son bosquet gluant. Une vague puissante la balaye, la fait tourbillonner. Elle tressaille, la bouche ouverte, les yeux clos, ses doigts s’activant toujours et encore.
Cette situation l’excite à nouveau à fond, il reprend une certaine vigueur pour la pistonner sur-le-champ. Il ne sait plus où il en est, il s’en fiche, il jouit, jouit encore, et encore, toujours, à l’infini.

Leurs corps vautrés, leurs morsures voraces, leurs doigts rapaces, fichés l’un dans l’autre, ils dérivent, hagards, sur l’océan des draps froissés et souillés.

Un océan de blanc… comme la neige…

Le souffle revenu, il se relève à moitié, puis, d’un bras vacillant, il s’empare de la boule à neige qui trône près de lit, cette « snowglobe » qui contient le petit chalet et le sapin. D’un geste lent, ostensiblement, il la retourne et attend quelques secondes. Toujours allongée sous lui, elle le regarde faire, un fin sourire aux lèvres. Puis il pose le bibelot devant elle : la neige retombe alors sur le sapin et le petit chalet.

— Voilà la neige promise…
— Merci, monsieur !

Il se tourne, s’allonge à côté d’elle, ses larges bras enveloppant tendrement son corps voluptueux et luisant de sueur :

— Ta neige, maintenant… et moi, tout le temps…

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